Il y a quelques semaines, notre professeur de gestion François Pageau nous parlait des beaux côtés de la restauration, mais aussi de la nécessité d’explorer de nouvelles avenues pour rendre ces métiers plus durables.
Eh bien, on est tombés un peu par hasard sur une gang d’anciens étudiants du programme de Cuisine supérieure de l’ITHQ (Timothée Viélajus, Samy Benabed, Pablo Chevalier, William Provençal-Lévesque, Maxime Héroux) qui eux, non seulement y pensent, mais ont déjà un plan pour changer les choses. Et ce plan s’appelle Øblique.
Pourquoi Øblique?
L’oblique, c’est une bifurcation par rapport à la ligne directrice. Le milieu de la restauration fait la même chose depuis toujours. Nous, on veut changer de cap.
Le Ø, c’est le symbole de la négation, pour se rappeler qu’on ne veut pas refaire les erreurs du passé.
Comment est né ce projet?
On travaille tous en cuisine depuis plusieurs années et on ne peut que constater que les conditions n’y sont pas idéales… même dans les meilleurs restaurants!
Trop de gens subissent ces conditions, en se disant que c’est ça la game, que les choses ne vont pas changer. Jusqu’à ce qu’ils en aient assez et quittent un métier pour lequel ils étaient pourtant passionnés.
On s’est assis ensemble et on s’est demandé ce qu’on pouvait trouver comme solution. Et pour nous, la solution, c’est de changer complètement la structure du restaurant. Traditionnellement, les employés y travaillent pour un patron. Chez Øblique, les employés seraient les patrons.
Concrètement, ça veut dire quoi?
Øblique est un projet de restaurant gastronomique qui fonctionnerait selon le modèle légal de la coopérative de solidarité. Tous les profits seraient partagés également entre les employés. Tout le monde travaillerait dans le même sens, avec des valeurs communes, pour pouvoir vivre sa passion… mais aussi en vivre et avoir une vie.
Ce qu’on souhaite, c’est de mettre en pratique tout ce qui se fait de progressiste dans l’industrie, ici et ailleurs : approvisionnement local avec parrainage de petits agriculteurs, planification annuelle des menus, utilisation des nouvelles technologies, préservation des produits en saison, zéro gaspillage, économie circulaire, économie sociale…
« À plus long terme, notre objectif serait d’être entièrement autosuffisants, avec notre propre ferme, une boulangerie, une fromagerie, un bistro, un café, où tout serait transformé et réutilisé pour en tirer le maximum. »
Est-ce un modèle d’affaires qui existe ailleurs?
Au Québec, il y a la Coop Touski, mais à notre connaissance, c’est tout. Par contre, le modèle de coopérative est très populaire dans le monde des nouvelles technologies et dans les start-up. C’est une réponse au capitalisme unilatéral qui, on le constate de plus en plus, ne rend pas les gens heureux.
Justement : pensez-vous trouver votre bonheur avec ce modèle?
C’est pas mal ça le cœur du projet (rires)! Et c’est prouvé : un modèle hiérarchique horizontal, où les employés s’impliquent dans un projet commun et où la prise de décision est partagée, ça fait des employés beaucoup plus heureux.
« C’est exactement ça qu’on souhaite, pour nous et pour nos partenaires : que ceux qui veulent consacrer leur vie à la cuisine puissent avoir la chance de s’épanouir, autant professionnellement que personnellement. »
Quels sont les défis qui vous attendent?
On arrive avec un modèle qui est nouveau alors c’est normal qu’on se casse la gueule à un moment donné! Mais on a confiance en nos ressources. On n’est pas gênés de demander de l’aide. Et on réalise en même temps le nombre de personnes qui sont prêtes à nous aider.
On se donne 2 ans pour travailler sur le modèle et le plan d’affaires, avec l’accompagnement de la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ). On cherche aussi des investisseurs qui sont intéressés par le bénéfice social et à long terme du projet. Comme tous les restaurants, ça prend de l’argent. Mais dans notre projet, il y a des retombées positives pour tout le monde. Pas uniquement pour le patron.