Élizabeth Tremblay et Thomas Poirier se sont rencontrés à l’ITHQ, alors que tous deux étudiaient en Gestion d’un établissement de restauration. Ils sont rapidement devenus amis – et même colocs – mais ils étaient loin de se douter qu’ils seraient un jour copropriétaires du Bicois, un café, auberge et buvette au cœur du village du Bic.
« Jamais on ne s’était dit qu’on allait ouvrir un restaurant ensemble un jour », affirme Élizabeth. Pourtant, en juin 2024, les deux diplômés de l’ITHQ sont devenus copropriétaires du Bicois, un établissement ancré dans les mœurs du village. « Il y a des gens qui viennent ici depuis une dizaine d’années. C’était le centre culturel du village. »
À deux, c’est mieux
Ce sont deux histoires d’amour distinctes qui ont soudé le parcours professionnel de Thomas et Élizabeth. Pour Thomas, qui a grandi en banlieue de Montréal, c’est un coup de cœur pour la région du Bic, qu’il découvre alors qu’il travaille dans les cuisines du restaurant Chez St-Pierre. Pour Élizabeth, qui travaille aussi pour l’institution gastronomique saisonnière, c’est la rencontre avec un résident du Bic, aujourd’hui père de ses deux enfants. Qui prend mari prend pays, comme le dit le vieil adage!
Avant d’en devenir les copropriétaires, les deux amis étaient déjà familiers avec le Bicois, qu’ils fréquentaient à l’occasion. Ils en connaissaient le propriétaire, Jérôme, qui avait acheté en 2022. « Jérôme avait déjà commencé à rénover et à rajeunir la place », raconte Élizabeth. Lorsqu’elle a entendu dire qu’il voulait vendre, l’idée lui est venue de l’acheter. Mais pas toute seule.
Thomas et moi, on a les mêmes valeurs, la même vision de la restauration. Je savais ce qu’il voulait faire s’il avait un restaurant un jour et je sais c’est quel genre de cuisinier. Quand je suis allée le voir pour lui annoncer que le Bicois était à vendre, l’idée a germée. De fil en aiguille, on savait à quoi ça allait ressembler comme projet. Ça a comme cliqué, c’était vraiment naturel.
Les diplômés sont copropriétaires à parts égales. Thomas s’occupe de la cuisine tandis qu’Élizabeth gère la salle à manger et l’auberge. « Je n’aurais jamais partie ce projet-là sans Thomas », souligne cette dernière. « C’est un métier qui peut être difficile. Ça te prend quelqu’un qui veut vraiment être là. »
Continuité vs nouveautés
Racheter un établissement qui a ses habitués depuis de nombreuses années représentait tout un défi pour les nouveaux copropriétaires. En effet, comment réussir à offrir un menu qui correspondait à leurs valeurs, tout en assurant une certaine continuité afin de ne pas heurter les sensibilités, et surtout, conserver cette précieuse clientèle ? « C’est quelque chose qui me stressait beaucoup », avoue Élizabeth.
Thomas a donc élaboré un menu offrant des repères faciles. « On a un burger à 9 $ taxes et pourboire inclus. Notre burger c’est du pain maison, c’est du bœuf Fournier qui vient de Saint-Fabien, ou du veau qui vient du Bic, et il n’y a pas de tomate quand on est au mois de janvier. Pour la clientèle qui est au Bic, leurs repères sont là. Quand ils mangent ils ne sont pas déstabilisés, quand ils payent ils ne sont pas déstabilisés non plus. Thomas, vu que c’est un excellent cuisinier, il est capable de faire un menu qui respecte les valeurs, mais qui ne vient pas choquer le public. »
Les amis ont aussi pris soin de conserver les produits aimés des gens du coin, comme la bière Molson est les verres de vin abordables.
« L’été dernier, les habitués plus âgés étaient assis et n’avaient jamais vu autant de monde ici. Ils sont contents parce qu’ils savent que ça ne va pas fermer. »
Élizabeth mentionne qu’il y a aussi toute une vague de jeunes adultes qui se sont établis au Bic dans les dernières années. « Certains viennent toutes les semaines, une à deux fois par semaine. Des jeunes couples, des jeunes familles. Ils sont super contents parce qu’ils n’ont pas à aller en ville et ils retrouvent un peu leur petite buvette de quartier avec des vins nature, ce que la clientèle qui est là depuis 40 ans ne va jamais prendre. Il y a vraiment le clash de toutes les générations, mais ça se marie super bien ensemble. »
Changement de paradigme
Thomas et Élizabeth ont apporté un changement important dans les façons de faire traditionnelles en restauration : ils ont décidé d’inclure le pourboire dans les prix. De quoi déstabiliser les clients, habitués comme passagers!
« On voulait offrir une stabilité financière à nos employés. En étant ouvert du matin au soir, les employés du matin font peut-être 300 $ de vente alors que ceux de soir peuvent faire 1000 $. Les vendredis sont aussi plus payants que les lundis. Inclure les pourboires dans les prix nous évite de gérer des chicanes au niveau des horaires, des sections, du partage. »
Élizabeth avance qu’il faudrait peut-être renverser certaines mentalités relatives aux pourboires. « Ce n’est pas nécessairement au client de décider de la valeur de mon employé. Si tu vas chez Sports Experts et que tu n’as pas un bon service, as-tu un rabais sur tes chaussures? »
En expliquant les motivations derrière ce choix peu commun, les copropriétaires assurent que l’adaptation se fait bien et que, surtout, les employés sont heureux.
Apprivoiser les saisons
Lorsqu’ils ont pris possession du Bicois, les copropriétaires savaient que la haute saison estivale était primordiale pour leur chiffre d’affaires. « On a peut-être un huit semaines pour faire nos frais pour l’année », affirme Élizabeth. Les deux amis ont traversé cette période, qui s’étire de la Saint-Jean-Baptiste à la fin du mois d’août, avec succès. « L’été, c’est le moment de l’année où on a plus d’employés donc on est capables de déléguer plus facilement. » Une situation qui change drastiquement avec l’arrivée de la basse saison et qui amène son lot de défis.
Thomas et Élizabeth sont conscients qu’ils sont seulement dans la première année et que le temps viendra alléger ce cycle des saisons. Alors peu importe le moment de l’année, si vous passez dans le coin, n’hésitez pas à arrêter pour les saluer!