L’homme-orchestre Luc-Antoine Cauchon

Publié le 17 novembre 2021

Communicateur et politicien à ses heures, cuisinier, pâtissier et surtout boulanger par les temps qui courent, Luc-Antoine Cauchon s’est taillé un métier et une entreprise propre à sa vision de la restauration. Depuis juin, il tient la Boulangerie de ruelle dans le quartier Villeray, à Montréal. Portrait d’un grand parleur… et grand faiseur.

« J’ai toujours été curieux et gourmand. Je pense que c’est la base pour être un bon cuisinier. »

Plus jeune, quand je mangeais des patates pilées chez ma tante et qu’elles étaient meilleures que chez nous, j’essayais de comprendre pourquoi. C’est parti de là. Je faisais de la bouffe, je faisais des expériences et même si c’était dégueulasse, je voulais faire le test. Mais je ne pensais pas que je pouvais en faire une carrière. J’ai donc fait autre chose : des communications, de la radio, de la politique… j’ai travaillé un peu partout.

À l’aube de ma trentaine, j’étais à la croisée des chemins. Je me suis demandé ce que j’avais vraiment le goût de faire du reste de ma vie. Ça m’est apparu clair de m’aligner vers la cuisine. J’ai fait l’aller-retour Roberval-Montréal le même jour pour participer aux portes ouvertes de l’ITHQ.

J’ai fait ma demande d’admission à 32 ans. Ça va faire six ans, et je n’ai jamais regretté ce choix depuis.

En six ans, je suis retourné à Roberval, j’ai fait mon cours de pâtisserie, j’ai passé une partie de la pandémie à travailler dans un CHSLD. Puis ma copine est retournée aux études en graphisme à Montréal. Parallèlement, on s’est dit qu’ouvrir une boulangerie nous permettrait d’avoir une vie plus normale que celle offerte par les heures inhabituelles de la restauration. En arrivant à Montréal, j’ai donc participé à l’ouverture de la boulangerie Ô Petit Paris, sur Mont-Royal, avec deux Français. Ils m’ont engagé comme aide-boulanger.

Mais ouvrir une boulangerie, ça demande un investissement d’argent. Avec la formule de boulangerie de ruelle, la mise de fonds n’est pas très élevée. En restauration, on produit dans le but de vendre, mais si tu as un mauvais samedi, tu as plus de risques d’avoir des pertes. Mon concept me permet d’éviter de gaspiller, et je pense que les gens l’apprécient. C’est sécurisant pour moi, et c’est aussi sensé pour tout le monde. En plus, ça devient de laboratoire super créatif pour moi; ma clientèle est ouverte à goûter mes brioches aux champignons ou mes tartes Tatin aux tomates!

La Boulangerie de ruelle, c’est une entreprise à échelle humaine.

En gros, le concept ressemble à celui des paniers bios. Tu t’inscris et une fois par semaine, je fais un pain, en plus d’une pâte salée et d’une pâte sucrée. Les abonnés paient leurs 10 semaines à l’avance. On a commencé au mois de juin cette année. En ce moment, on a 20 abonnés, mais on aimerait en avoir 40.

Le mercredi soir, je monte un petit chapiteau dans ma ruelle, près du théâtre Aux Écuries, dans Villeray. On installe notre table et les gens se servent. La Boulangerie de ruelle, c’est aussi nourrir notre communauté, nos voisins. On a de belles petites familles dans le coin. On ouvre le kiosque, les gens viennent et jasent entre eux, comme sur le parvis de l’église. C’est convivial et agréable!

On reçoit aussi des fruits et légumes du quartier. Par exemple, dans les rues avoisinantes, certaines personnes ont des vignes, mais ne ramassent pas leurs raisins. On cuisine ce qui est disponible, c’est hyperlocal. C’est ça qui est le fun : on s’adapte et ça me permet d’être créatif.

La Ruelle aux écuries, c’est vraiment super comme endroit, mais je pense que ce genre de boulangerie pourrait exister un petit peu partout à Montréal et même dans d’autres villes. C’est une formule super intéressante, autant pour la communauté que pour les artisans.

« J’ai l’impression qu’il faut penser les modèles d’affaires autrement, qu’il faut mettre l’artisan au cœur de la mission de l’entreprise. »

Une des solutions que je vois serait de créer des laboratoires pour les jeunes cuisiniers dans les marchés publics, de mettre à leur disposition des cuisines de production, puis des étals pour qu’ils puissent vendre leurs produits et tester le marché. Ça ne coûterait pas cher, ça serait autofinancé et pourrait offrir des opportunités à la relève.

D’ailleurs, j’aimerais beaucoup léguer mon savoir-faire, le résultat de mes expériences. Si certaines personnes sont inspirées par ce que je fais et veulent un coup de main pour décoller, je serais prêt à le faire bénévolement – même donner mes recettes s’il le faut. Parce que si ta carrière tient à une recette, elle ne tient pas à grand-chose.

Partager le savoir, c’est précieux.