Au cours des dernières semaines, deux chefs bien connus des Québécois ont pris la parole pour parler de leur dépendance à l’alcool et de leur nouvelle sobriété.
Si les sorties publiques de nos diplômés David McMillan et Danny St Pierre ont fait jaser, elles s’inscrivent aussi dans une réflexion plus globale : est-ce possible de faire carrière dans le milieu de la restauration sans tomber dans l’excès? Et que pouvons-nous faire, nous, à l’ITHQ, pour aider nos étudiants à faire face à cette réalité?
Pour mieux comprendre le phénomène, nous avons rencontré Christian Cyr, intervenant psychosocial à l’ITHQ :
Christian, c’est quoi ton travail à l’ITHQ?
Depuis un an et demi, je suis agent de service social à temps plein à l’ITHQ. C’est un nouveau poste qui a été créé afin de mieux soutenir les étudiants qui vivent des situations difficiles, incluant des dépendances aux drogues et à l’alcool.
« J’ai moi-même travaillé 12 ans en restauration, dont 7 ans derrière un bar. Je peux donc bien comprendre ce que les étudiants vivent, parce que moi aussi je l’ai vécu. »
Peux-tu nous décrire la réalité des étudiants que tu rencontres?
Mon constat, c’est qu’il y a beaucoup de stress et d’anxiété de performance chez les étudiants, et ce, dans tous les programmes.
Concernant l’alcool et les drogues, on vit dans un monde de consommation : il y en a partout et dans tous les milieux. Mais il y a deux éléments qui sont propres au milieu de la restauration : le niveau d’exigence et de stress qui vient avec le métier ainsi que l’accessibilité de l’alcool et des drogues et la tolérance envers ceux-ci.
J’en ai vu beaucoup des cuisiniers qui prenaient un verre de vin pour leur sauce et un verre de vin pour eux, et ce, en plein service. Est-ce que ce comportement serait acceptable dans n’importe quel autre métier? Alors oui : tout dépendamment des personnalités, ça peut être facile de tomber dans le giron de la consommation quand on travaille en restauration.
En tant que parent, est-ce que je devrais m’inquiéter si mon enfant me dit qu’il veut étudier en restauration?
Par rapport à l’ITHQ, non. On a une belle équipe pour les encadrer. On fait beaucoup de sensibilisation, autant auprès des étudiants que des professeurs, pour qu’eux aussi sachent quoi faire quand l’un de leurs étudiants semble être sous l’influence de drogues ou de l’alcool.
Ce qui est certain, c’est qu’en tant que parent, il faut respecter le choix du jeune. L’écouter, s’intéresser à ce qu’il fait. Lui poser des questions.
Et, justement, on fait quoi quand l’un de nos étudiants semble avoir des problèmes de consommation?
Premièrement, il faut évaluer s’il y a véritablement un problème.
« La dépendance, ce n’est pas consommer une fois de temps en temps pour le fun. C’est quand toutes les actions d’une personne, toutes ses énergies vont vers un seul objectif : consommer. C’est là que ça devient problématique. »
On a des outils de dépistage et des approches d’intervention qui sont très efficaces, mais comme je dis souvent, l’intervention, c’est comme un bonsaï. On sème une graine. Des fois, ça peut prendre 2 à 3 ans avant que ça pousse. Il faut que ça vienne de la personne. On ne peut pas faire le travail à sa place.
Est-ce qu’il y a d’autres choses qu’on pourrait faire pour rendre le milieu de la restauration plus sain?
Nous, notre job, c’est de préparer du mieux qu’on le peut nos étudiants à la réalité du marché du travail. Nos étudiants sont les gestionnaires de demain et notre espoir, c’est qu’ils soient assez sensibilisés pour devenir des agents de changement positifs dans leur milieu.
Après, c’est aussi aux employeurs d’instaurer une culture de travail saine dans leur entreprise. Être employeur, c’est plus que de donner une paye. C’est ton devoir de montrer l’exemple, d’encadrer, de poser des questions si tu as des doutes, et de diriger tes employés vers les ressources compétentes ( Le Virage, Drogue : aide et référence, Foster, Éduc’Alcool). Et c’est aussi aux équipes d’être à l’affût et de prendre soin les uns des autres.
Cela dit, je rêve au jour où on pourrait avoir une équipe mobile d’intervenants qui ferait le tour de tous les restaurants pour parler de dépendance. Ça pourrait faire une énorme différence!