S’il y a un événement qui a monopolisé les conversations des foodies de Montréal au cours du dernier mois, c’est bien l’ouverture du Time Out Market, situé au premier étage du Centre Eaton. Il va sans dire que l’avènement de cette foire alimentaire nouveau genre a fait couler beaucoup d’encre. Mais il ne faudrait pas oublier pour autant que, quelques étages plus haut, se cache un lieu iconique de la culture gastronomique montréalaise : le restaurant Île de France, mieux connu sous le nom du 9e Eaton.
Le 23 novembre dernier, à l’invitation de l’organisme DOCOMOMO, je participais au nom de l’ITHQ à une table ronde qui avait pour sujet la possible renaissance de ce lieu mythique, tombé dans l’oubli depuis plus de vingt ans.
Mais qu’est-ce donc que le 9e Eaton?
Inauguré le 23 janvier 1931, le restaurant du 9e Eaton devient rapidement le lieu de rendez-vous des habitués du centre-ville, en particulier des élégantes, qui viennent y papoter et y prendre le thé après avoir fait leurs emplettes dans ce grand magasin à rayons.
Inspiré du décor des grands paquebots, le 9e est une œuvre de l’architecte Jacques Carlu qui a entre autres participé à la conception du Palais de Chaillot, à Paris. Exemple remarquable de l’architecture Art déco, il est classé monument historique et figure dans le Répertoire du patrimoine culturel du Québec.
Or, depuis la faillite des magasins Eaton en 1999, ce joyau architectural est devenu inaccessible au grand public. Il est actuellement entre les mains d’Ivanhoé Cambridge, la filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec, et toutes les tentatives pour lui trouver une nouvelle vocation ont échoué depuis les vingt dernières années.
Une possible renaissance gastronomique?
L’industrie de la restauration est en pleine effervescence à Montréal, qui a fait de sa gastronomie une marque de commerce internationale. Le restaurant Île de France du 9e Eaton constituerait un lieu à la fois unique et splendide, et s’avérerait complémentaire aux autres établissements de marque à Montréal. Il reste toutefois à démontrer la faisabilité physique et commerciale d’un tel restaurant qui devra de plus tenter de compléter de manière cohérente l’offre du Time Out Market.
Il appartient maintenant aux entrepreneurs de se manifester et aux propriétaires d’écouter et de mettre de l’avant un modèle d’affaires viable, en tenant compte à la fois des investissements nécessaires (on parle de 15 millions de dollars pour remettre les lieux en condition) et du potentiel de rentabilité commerciale. La mise en valeur des lieux peut être assurée et maintenue par une foule d’approches. Mais le temps presse, puisqu’un tel projet peut prendre des années à se concrétiser.
Est-il temps de libérer cette magnifique salle à manger et de l’offrir à la gastronomie montréalaise? Mon opinion est : c’est maintenant ou jamais!