Diplômé en gestion d’un établissement de restauration et en travail social, Christophe Dubois a une vision rassembleuse de la restauration. Il considère la cuisine comme l’un des meilleurs points de rencontre entre les membres d’une communauté. Voici le parcours unique d’un grand altruiste.
C’est à l’école secondaire que j’ai commencé à m’intéresser à la cuisine. Je ne viens pas d’une famille de restaurateurs, mais j’ai toujours aimé manger et jouer avec la nourriture!
Je me rappelle regarder Martin Picard à ses débuts à la télé et me dire : « Ah! Ça, c’est inspirant! » Dans ma tête, j’étais persuadé que les chefs cuisiniers n’avaient pas fait d’études en cuisine, qu’ils étaient juste des génies! (Rires)
En découvrant les écoles spécialisées en cuisine, c’est tout un monde qui s’est ouvert à moi. L’ITHQ a été une révélation! Je n’ai pas seulement appris à cuisiner, mais j’ai aussi découvert tout le côté administratif d’un service alimentaire.
J’ai pratiqué des sports d’équipe à un niveau assez élevé dans ma jeunesse. J’aimais avoir un but et foncer en équipe pour l’atteindre. Je ne m’attendais tellement pas à retrouver cet esprit d’équipe en cuisine; c’est un des aspects que j’ai le plus aimés.
J’ai plongé dans le métier dès l’obtention de mon diplôme, mais très tôt dans ma carrière, je me suis remis en question. Je me suis dit : « Si je mets autant d’heures par semaine dans un travail, il faut que ça soit structurant pour la société. » C’est ce qui m’a incité à faire un baccalauréat en travail social. Encore une fois, ç’a été une révélation.
La bouffe a un pouvoir transformateur immense. Et la cuisine est un lieu de cohésion sociale où du monde de plusieurs milieux sociaux différents se rassemble autour d’un but commun : créer un repas. C’est là que je me suis intéressé aux cuisines collectives et aux différents enjeux de justice alimentaire. T’sais, j’ai toujours été de nature revendicatrice! (Rires)
Dès ma première année de bac, j’ai travaillé comme professeur de cuisine dans un centre communautaire de Parc-Extension. C’est un quartier incroyable avec une diversité socioculturelle exceptionnelle. L’été, tu marches et t’as juste envie d’être invité chez tout le monde!
Aujourd’hui, je travaille toujours dans ce quartier; je suis organisateur communautaire à La Place commune. C’est un réseau de solidarité alimentaire qui inclut un jardin collectif, une épicerie, une cuisine de transformation de fruits et légumes locaux ainsi qu’un restaurant.
Nos actions sont beaucoup plus proches du modèle communautaire qu’entrepreneurial. En été, c’est entre 200 et 250 personnes qui sont impliquées dans nos différentes activités collectives : jardinage, collecte de fruits, bénévolat, cuisine. Ça crée une grande communauté qui s’entraide!
Quand je vais chercher des fruits et légumes à l’entrepôt de l’organisme La Corbeille, on en cuisine une partie pour le menu du restaurant ou du service traiteur, puis on distribue le reste à la communauté. Notre objectif n’est pas de faire de l’argent, mais plutôt de stabiliser les salaires pour bien vivre et de redonner à la communauté.
La Place commune a du sens pour moi. Je suis capable de m’y projeter à long terme et d’y voir des débouchés intéressants pour les employés, tout en respectant l’environnement et la communauté.
J’aimerais voir plus de restaurants ouvrir sous ce modèle-là. Mais cette vision sociale a ses limites : la plupart de nos produits proviennent de dons, sont achetés à petit prix ou sont cultivés par notre équipe. Ça demande du temps, beaucoup d’implication; c’est à contre-courant du modèle traditionnel de la restauration.
C’est là qu’il est important de se rappeler que l’alimentation est un droit et que même si on en fait une business, ce droit fondamental doit être respecté. C’est donc essentiel d’honorer le produit, d’éviter de surconsommer, de revaloriser les invendus et de respecter les êtres humains derrière, autant ceux qui produisent et cuisinent les produits que ceux qui les consomment.