Hugues Abram, gentleman serveur

Publié le 12 septembre 2018

Diplômés

Restauration

Quand on vous dit « serveur dans un restaurant étoilé en France », vous pensez à quoi? Un peu pédant? Pas très souriant? Notre diplômé Hugues Abram est tout le contraire et plus encore : humble, candide, charmant et résolument passionné du métier! 

Parle-nous un peu de ton parcours. Qu’est-ce qui t’as amené à étudier à l’ITHQ?
J’ai commencé en restauration comme serveur… dans un restaurant chinois (rires)! À l’époque, j’étais au cégep, en sport-études, mais j’avais du mal à trouver ma voie. J’ai décidé de m’inscrire à l’ITHQ, car c’était l’école qui était la plus reconnue dans le domaine.

Après l’ITHQ, j’ai travaillé à La Pinsonnière (Québec) puis à l’ Hôtel Le Toiny (St-Barthélémy), deux établissements Relais & Châteaux. Ensuite, je suis parti dans les Alpes françaises, au restaurant Le 1920, mon premier étoilé Michelin. Puis, j’ai fait une saison à La Chèvre d’or, sur la Côte d’Azur, un double étoilé. J’y ai fait le Grand Prix de Monaco et le festival de Cannes et servi plein de célébrités que je ne reconnaissais pas toujours! 

Entre-temps, Le 1920 avait gagné une deuxième étoile. J’y suis retourné, cette fois en tant qu’assistant maître d’hôtel. Ça fait maintenant 4 ans que je suis là-bas.

(NDLR : Hugues occupe aujourd’hui le poste de maître d’hôtel au restaurant d’Anne-Sophie Pic, seule femme chef française à détenir trois étoiles au Guide Michelin.)

Vue de la terrasse du restaurant Le 1920, Megève, France. Crédit photo : Yonder

Passer de une à deux étoiles, ça veut dire quoi concrètement?
On le voit dans l’évolution matérielle, dans la vaisselle, dans l’argenterie. On a changé toutes les nappes, on a refait toute la déco du restaurant. On le voit aussi dans l’évolution du personnel : on est beaucoup plus qu’avant, et le personnel est plus qualifié. Pour vous donner une idée, pour faire 40 couverts, on est 16 en salle et 16 en cuisine. Ça fait en sorte qu’on peut offrir un service très attentionné. Par exemple, quand le client se lève, on ne replace pas seulement sa serviette, mais on la change.

As-tu toujours voulu travailler dans les grandes maisons françaises?
Oui. Au début, je souhaitais travailler dans les palaces parisiens (Le Georges-V, Le Meurice, Le Bristol, etc.), mais on m’a convaincu d’aller d’abord chercher de l’expérience en province. Si j’étais allé directement dans un grand palace, je ne crois pas que j’aurais appris autant.

J’ai aussi l’énorme avantage d’être Canadien, mais d’avoir la nationalité française. J’ai un profil international qui est très en demande dans le milieu : on parle anglais, on a voyagé, on est débrouillard et on s’adapte plus facilement… Tout ça a une grande valeur sur le marché.

Travailler dans le luxe : est-ce que tu as appris tout ça à l’ITHQ?
Ce qui nous aide en étudiant à l’ITHQ, c’est qu’on fait beaucoup de pratique. L’aisance en salle, on l’a quand on sort, souvent plus que les élèves français ou européens. Cela dit, personne au monde ne peut sortir de l’école et être maître d’hôtel. On commence tous à la base. Il faut passer par là pour comprendre et évoluer. Pour le reste, ça dépend de notre implication. C’est l’attitude et l’investissement de la personne qui fait la différence.

Comment tu fais pour garder un rythme de vie équilibré?
Il y a des soirs où je rentrais chez moi et je pleurais! Je me mettais tellement de pression. Avec le recul, je sais que c’était trop. Maintenant, j’essaie de faire du sport le plus souvent possible. C’est mon moment pour faire le vide et garder l’équilibre.

Qu’est-ce que ça prend pour être bon dans ce que tu fais?
Il faut être passionné et curieux de ses produits. Une fois qu’on est sur le plancher, il faut être carré, propre, organisé, mais il ne faut pas trop en faire. C’est d’ailleurs l’une des premières erreurs des personnes qui entrent dans le luxe : il faut être classe, mais pas coincé.

Le monde de l’hôtellerie change beaucoup. Présentement, il y a tellement de mauvaises choses qui se passent dans le monde que les clients veulent être dans leur cocon. Ils veulent être chouchoutés. Ils ne veulent plus le service en queue de pie d’antan. Ils veulent rire avec le serveur. Ils veulent vivre, quoi!

Restaurant Anne-Sophie PIC, Valence, France. 

Un prof qui t’a marqué à l’ITHQ?
Tous les profs m’ont marqué : M. Pelven, qui a une expérience incroyable dans les grands établissements parisiens; Mme Lachapelle et Mme McNeil, qui nous ouvrent les portent du monde de la sommellerie; Mme Turcotte, la prof de bar, un vrai bijou; et M. Cockenpot, avec son charisme et sa personnalité hors du commun.

Est-ce que tu dirais aujourd’hui que tu as trouvé ta place?
Ça dépend des jours! À la fin d’un service, quand les clients repartent contents, en nous serrant la main, je me dis que j’ai le meilleur métier du monde! Par contre, il y a des jours… (rires).

Si tu revenais travailler à Montréal demain matin, ça se passerait comment pour toi?
La France a beaucoup à apprendre à la restauration de luxe au Québec et les restaurants d’ici ont beaucoup à apprendre aux brasseries françaises. Ce qui est certain, c’est que je me verrais bien revenir au Québec dans 10 ou 15 ans. J’aimerais bien que mes enfants grandissent ici!